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Lettre ouverte ... ( juin 2014 )

A propos de la future loi qui régirait le titre et la pratique des psychothérapeutes et la question des organismes privés qui proposent des formations de psychothérapeutes.

En réponse à un article de Jérôme Vermeulen paru sur le site du psychologue.be suivi d'une réponse à un collègue...


. Par Alain Gontier


J'exerce mon métier de psychologue depuis près de trente ans, je me targue donc d'avoir une certaine connaissance et expérience professionnelle. J'ai ainsi eu l'occasion de m'occuper de nombreux stagiaires psy que j'encadrais et que je formais à l'écoute dans le cadre de l'institution dans laquelle je travaillais. J'ai constaté (étant moi-même passé par là) les lacunes extraordinaires de ces stagiaires dans la "simple" capacité à écouter quelqu'un. Il m'est devenu clair à l'époque que l'université donnait une culture générale (bien que parcellaire et partisane) du champ de la psychologie mais ne formait en aucun cas à une pratique clinique. Face à cette lacune, j'ai entamé une formation dans une des écoles privées existantes (il n'existait pas encore à l'époque de troisième cycle): j'y ai découvert une forme d'enseignement très différent de celui prodigué par l'université. Encourageant et stimulant l'acquisition d'un  savoir qui passait non plus uniquement par l'intellect mais aussi par l'expérience, la prise de conscience personnelle, le regard des autres à travers une dynamique de groupe, la mise en jeu du corps, etc..., j'ai compris que l'apprentissage du métier de psychothérapeute s’accommodait mal d'une méthodologie de type universitaire. En effet, je pense que ce métier nécessite un savoir qui ne peut être transmis uniquement par un discours ou des écrits. Il faut en passer obligatoirement par soi et par les autres dans l'intimité de nos affects sous peine de devenir  des exécutants de protocoles, ce qui serait complètement antinomique avec l'idée que je me fais de ce métier.
Cependant je peux certainement partager l’inquiétude  de certains par rapport à certaines formations de type court qui laissent croire qu'en quelques semaines voir quelques jours on peut acquérir un savoir suffisant dans ce domaine. Avec, à la clef, un diplôme soi-disant qualifiant. Ceci dit, et pour parler de ce que je connais, voici quelques informations sur l'exemple que je connais le mieux dans le domaine (je pense qu'il y en a de nombreux autres dans d'autres approches bien évidemment): la formation délivrée par l'IBG. Cette formation dure 4 ans (600h). Les critères d'entrée se composent de deux entretiens préliminaires avec des formateurs et de la participation à deux sessions d'un WE pour permettre aux parties en présence d'évaluer la justesse de leur démarche. Lors de ces démarches, il est clairement expliqué aux candidats l'état actuel et les développements potentiels du statut de psychothérapeute (une part importante de nos étudiants n'est pas "psy" quelque chose). Il est aussi clairement expliqué que l'institut ne délivre pas un certificat d'aptitude (qui n'aurait de toute façon qu'une validité interne sans reconnaissance officielle) mais une attestation certifiant que l'étudiant a bien répondu à toutes les exigences qui constituent le cursus de formation (ainsi qu'un avis sur ses capacités à exercer comme psychothérapeute). Il ne peut se revendiquer d'une reconnaissance "officielle" par ses pairs comme gestalt-thérapeute que minimum après deux ans de pratique supervisée et l'acceptation d'un dossier soumis à la Commission d'Agrément du Collège Européen de Gestalt. Cet agrément ainsi que le statut de membre du Collège étant sans cesse soumis par la suite à la double condition de se faire superviser et de suivre régulièrement des formations courtes pour professionnels.
Par ailleurs, il est vrai que ces formations coûtent très cher. Elles coûtent cher parce qu'elles sont privées (elles ne coûtent donc rien aux contribuables!). Ceci présente à mon avis quelques avantages (et bien entendu aussi des inconvénients): dont, entre autree, qu'elles sont beaucoup plus libres de penser leur méthodologie d'apprentissage en adéquation avec l'objet de leur enseignement et non pas par rapport à des critères académico-politiques.
Leurs critères d'admission ne sont pas inféodés à une logique étatique de diplôme et de cursus préalable mais à des critères sans doute moins objectifs mais probablement plus pertinents étant donné l'objet qui nous occupe: capacité d'écoute, d'être en contact, d'être en groupe, de se remettre en question, cursus thérapeutique personnel, parcours de vie, capacité à sentir, prendre conscience de soi, etc... Elles ont aussi plus de liberté et de souplesse dans la construction du cursus de formation et l’adaptation éventuelle de celui-ci aux réalités sociales, politiques et aussi individuelles que nous rencontrons. Le contenu est aussi pensé non pas en fonction de contraintes académiques éventuellement peu en accord avec l'objet (nombres d'heures, contenus obligatoires, etc...) mais est bien le résultat d'une réflexion commune constante concernant la cohérence entre le contenu et le processus d'apprentissage ainsi que la pertinence en fonction de ce qu'on pense être les aptitudes minimales nécessaires à la pratique de ce métier.
Le danger est évidemment d'être pris dans une logique commerciale privilégiant une forme attractive au détriment d'un contenu de qualité. De même, sans regard extérieur autre que celui des pairs (même si c'est à l'échelle européenne), il y a toujours un danger à s'enfermer dans une autosatisfaction sclérosante.
En résumé, je pense qu'il y a de nombreuses formations de psychothérapeutes dans différentes approches qui sont de grande qualité et qui ne vendent pas des vessies pour des lanternes. Je pense que les psys ont tout intérêt  à ce que  ce type de formation perdure car il me semble le plus adéquat étant donné son objet: l'art d'accompagner un autre dans ses difficultés à faire avec lui-même et le monde.

Réponse à une collègue psychologue qui se plaint de la Fédération Belge des Psychologues sur le forum de Psychologue.be 

Je ne suis pas affilié et ne l'ai jamais été à la FBP. Je suis inscrit par contre à l'UPPsy. J'ai une formation de psychologue social au départ et gestalt-thérapeute ensuite. Je suis formateur depuis de nombreuses années à l'institut belge de gestalt-thérapie. La réflexion que je voudrais apporter à cet espace est la suivante: je pense qu'il est important de distinguer psychologue et psychothérapeute: ce sont deux métiers différents. Psychologue est une formation universitaire un peu fourre-tout (du moins il y a 30 ans!) qui abordait l'humain au travers de différents contextes (indiv., groupal, en entreprise, etc...) et donnait un aperçu assez partial (de mon temps c'était la psychanalyse, maintenant, ce sont les psycho-cognitivistes et les neuros) et parcellaire des théories sur le fonctionnement psy de l'humain. La tendance lourde de ces dernières décennies a été de se désolidariser des racines philosophiques de la psycho (il fut un temps où c'était la même fac!) pour se calquer sur le modèle scientifico-médical. Je ne vous apprends sans doute rien. On peut s'en réjouir ou le déplorer, ce serait l'objet d'un autre débat... Ce que je veux dire, c'est que la psychologie moderne suit son propre chemin et semble vouloir se prendre actuellement pour une science. Ce n'est pas pour autant qu'il faut l'amalgamer à cette pratique complexe et par bien des aspects insaisissable que l'on nomme la psychothérapie. Je regrette que l'on veuille d'une part l'assimiler à une pratique de soins à l'instar des pratiques médicales et d'autre part que des psychologues, par réflexe corporatiste, tentent de se l'approprier. La psychothérapie relève, pour moi, d'un savoir-faire ET d'un savoir-être (gnôti séauton). Elle est un acte politique, artistique et philosophique (je ne vais pas développer ici ces idées). Par nature, elle échappe au modèle scientifique: il suffit de voir le manque absolu de rigueur en terme scientifique que comporte la psychopathologie (les cliniciens sont rarement d'accord entre eux sur le diagnostic porté!). Cela signifie pour moi que son objet échappera TOUJOURS à une analyse empirique et méthodique comme peut la pratiquer la science (notamment les tests en double aveugle) et qui seule valide la pertinence d'un "traitement" à ses yeux. Entre autres raisons, parce que la psychothérapie exige de la part du thérapeute un engagement personnel qui dépasse largement l'application d'un protocole ou d'une quelconque stratégie ou méthode. A ce stade, deux constatations: je ne vois pas en quoi les études de psychologie préparent à cette pratique (ma longue expérience d'accompagnement stagiaires en psycho m'a montré combien ils étaient démunis dans une "simple" relation d'écoute), je ne vois pas en quoi avoir une autre formation supérieure serait un frein voir un obstacle à devenir un bon psychothérapeute, moyennant, bien sûr, une formation rigoureuse (on peut être rigoureux sans être scientifique pour autant) et répondant à certains critères (cfr CEP et consorts). Je pense aussi que la psychothérapie aurait tout à perdre d'un repli sur les seuls diplômes de psychologue ou de médecin (en quoi d'ailleurs les médecins ou psychiatres seraient-ils plus légitimes?).

Alain GONTIER